Quarante deux

C'est la dernière traversée des corps féminins de Simon Jourdan. C’est un chœur, une ronde jubilatoire, la fête païenne d’une tribu de sœurs rebelles : il y est alchimiste, graveur, chorégraphiant vision après vision des femmes-soeurs sauvages venues d’ailleurs, flamboyantes ou tournoyantes. Elles sont en nombre, seules autant que plusieurs, forment une rivière souterraine qui jaillit soudain. Elles passent de l’abandon à la libération, de la mutation à la rupture d’entraves, elles défient les lois martiales et castratrices de la représentation, pour être en accord avec l’horizon infini des possibilités d’être soi. Chaque corps dansant, glissant, s’élevant, ployant, donne à voir la puissance de sa légitimité dans des équilibres de blancs et de noirs, consumés ou non, d’éclats et de sombres, de pâleurs et de gris brûlés, de bords de cadres qui s’effacent, ou au contraire qui se resserrent. Simon Jourdan dit de son travail : La Solitude. C'est peut-être ce que ces corps nus convoquent. "Je suis pour la vie rêvée. Et l'odeur des immortelles ! Ce qui est vécu en dehors de soi qui fait perdre les réalités touchantes. Sans rêves ni clair. Ombres et sombres. Corps et pensées. L'imaginaire" écrit-il.
Il est donc, révélateur et nuanceur tendre, sur des frontières de la photographie, des corps, des usages du corps, et c’est fort probable qu’il entre dans la danse de celles qu’il photographie-filme jusqu’à devenir un peu lui-même leur miroir tant il est le leur, jusqu’à l’effacement.

Eric Prémel, décembre 2020